Céder, est-ce consentir ?

Comme je n’ai jamais été agressée, ni violée, ni même harcelée sexuellement au travail, je n’ai pas livré mon témoignage sous le hashtag #balancetonporc.

Mais quand même, ça trottine dans ma tête depuis quelques semaines.

Je repense à ces fois où, plus jeune, j’ai séduit des hommes dans les bars. Ces fois où ça a marché et où j’ai vu l’étincelle s’allumer dans l’œil de celui que je convoitais. Ces fois où ce petit frisson de désir et la confiance née de ce pouvoir de séduction m’auraient amplement suffi. Toutes ces fois où je suis quand même allée au bout — comprenez ramener le mec chez moi ou aller chez lui et avoir un rapport sexuel — alors même que je n’en avais plus vraiment envie, pas parce qu’on me forçait mais parce que je trouvais que ça n’était pas bien d’être une allumeuse.

C’est une chose que j’ai clairement formulée, je me souviens. Je m’entends encore : « Ah non, moi je ne suis pas du genre à chauffer un mec pour le laisser sur le carreau, si j’allume, j’assume. »

Je repense à ces fois, adulte, installée en couple, où j’ai culpabilisé des jours entiers de n’avoir pas envie de mon conjoint et de ne pas céder. Toutes ces fois où j’ai pensé à eux, que j’aimais sincèrement, en me disant : « Oh, le pauvre, quand même, il se retient depuis des jours, je devrais faire un effort, il ne va pas supporter ça indéfiniment. » Toutes ces fois où j’ai finalement cédé, sans en avoir vraiment envie, mais pour faire plaisir.

Céder, est-ce consentir ?

Techniquement, toutes ces fois, j’ai consenti. J’ai dit oui. Mais la vérité c’est que j’aurais voulu dire non et je n’en est pas été capable. Si j’ai consenti, c’est sous ma propre pression. SI je devais aujourd’hui balancer mon porc, je me balancerais moi-même car j’ai été, je suis sans doute encore, ma pire ennemie.

J’ai mis mon absence de désir en dessous du désir de l’autre. C’était plus important de ne pas les frustrer que d’être en phase avec mon désir profond. Tous autant qu’ils sont, que je les ai aimés ou pas, je les ai placés en première position sur mon podium personnel. Je me suis timidement octroyé la seconde place dans l’idée que l’important c’est de participer.

Si j’avais eu une vraie, une belle, une grande estime de moi, j’aurais su dire non.

Dans cette problématique de pression omniprésente sur les femmes et leur sexe, je ne crois pas à la justice, les chiffres montrent bien que là n’est pas le problème.

Non, je crois à l’importance de faire de nos petites filles les numéros unes de leur propre vie, quoi qu’il arrive. Qu’elles s’aiment putain ! Je crois que le problème c’est qu’on se déteste. On se déteste nous-mêmes, on se déteste les unes les autres. On ne prend pas soin de nous. C’est pour ça que dans les rapports des femmes avec les hommes apparaissent ces notions de oui mais non, non mais oui, je voudrais bien mais je peux point, je devrais rendre service, je voudrais qu’il m’aime et s’il ne m’aime plus et quel est mon problème suis-je frigide suis-je coincée suis-je normale…

Ces #balancetonporc et ces #metoo, franchement, je trouve ça super mais surtout parce qu’une vraie dynamique collective se dégage de ça, une sororité qui manque tellement dans une société de concurrence et d’apparence où les femmes se détestent entre elles.

Pour le reste, c’est bien de fustiger les mecs et de les mettre face à leurs comportements. Mais n’oublions pas que dans les rapports hommes/femmes, il y a aussi des femmes. Les hommes doivent apprendre ce qu’est le consentement. Mais les femmes aussi. Et toujours cette question : céder, est-ce consentir ? Et pourquoi céder ?

Je voudrais que sorte de tout ça un grand cri d’amour, parce que oui, moi je les aime les hommes, ils me font peur, ils me font chier, ils me font pitié, souvent, mais je les aime et je veux leur amour en retour. Et l’amour c’est un échange – même si ça ne dure qu’une nuit, ce n’est pas faire céder l’autre pour gagner. Ce n’est pas non plus céder pour avoir la paix.

2 commentaires

  1. Juste « wow », c’est article est une grosse prise de conscience inattendue pour moi ! effectivement, je pourrais aussi m’auto-balancer tant je me reconnais dans tes mots; tellement qu’il me parait incroyable de n’y avoir même pas pensé avant de te lire ….

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