Tu vis dans une ville d’épaves. Il y a celle du Messerschmitt, bien enfouie au fond de la Méditerranée, et il y a toutes ces épaves débarquées à terre. Celles que la ville rejète dans son flot incessant. L’été, dans la chaleur moite et sous le ciel bleu, la marée monte. Elle entraîne avec elle tout ce que la société compte de paumés, de déserteurs, d’inadaptés. Sur la Canebière, dans la rue d’Aubagne, au Cours Julien, dans la rue Curiol, chaque pas de porte trouve à ses pieds une de ces créatures imbibées d’alcool et de misère. Hier, j’ai vu un homme gisant dans son vomi. Certains tentaient d’aider. PLS, paroles, appelez donc les secours, continuez à lui parler, écartez vous, faites lui de l’air… Certains s’arrêtaient, léchant leur glace avec délectation devant le spectacle. D’autres comme moi continuaient leur route, trop habitués à la permanence de la déchéance humaine dans cette ville. Tu vis dans cette cité pleine d’êtres titubants, funambules de la vie, trop souvent près de la chute. Leur crasse et leur vinasse les déguisent. Camouflage parfaitement adapté à cette jungle urbaine où le sol, partout jonché de déchets, sait recevoir les oubliés. Les carcasses des hommes et des femmes, leurs visages rongés par la bière et la malnutrition. Les jambes dévorées par les morsures de punaises.
Marseille sait recevoir ses invités. Au mois d’août c’est le grand bal, la parade annuelle des misérables.
Certains feront leur baptême de plongée, ils iront admirer l’avion échoué au large de l’île du Planier il y a bien longtemps. Les autres n’auront qu’à se promener pour cette autre immersion en eaux troubles. Ceux là verront c’est sûr les véritables naufragés de la vie de tous les jours.
Merci pour ce beau travail « La Daronne Perchée » est inspirante, bousculante et surtout pertinente…
On oublie trop souvent les épaves de tous bords dans cette ville du bout du monde.
Ma rage de combattant vous accompagne.
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