Nuits sans larmes, parents debout : projet photographique

Nuits sans larmes, parents debout, est un projet photographique itinérant destiné à sensibiliser sans jugement à la non violence éducative. Sous l’objectif d’Antoinette Laurent, 26 familles exposent en toute simplicité leur quotidien marqué par des nuits sans sommeil. Qu’ils soient hétéros, homos ou mono, ces parents s’efforcent chaque jour d’être bienveillants, malgré des nuits en kit et des journées embuées. Rencontre.

Tout commence lorsqu’Antoinette Laurent, épuisée par des nuits hachées avec son fils de 8 mois, se retrouve sur un groupe Facebook de soutien entre parents dont les petits ne dorment pas, ou peu, ou mal. Sur ce groupe, des parents, des mères surtout, tentent d’apporter à leurs bambins un accompagnement bienveillant malgré la fatigue et le découragement. Comprenez, entre autres, ne pas laisser pleurer pour avoir la paix, une de leurs règles de base. Nous sommes en 2016. Antoinette trouve dans ce groupe réconfort, conseils et soutien.

Une photographe pour une cause

Photographe, Antoinette (alias @ToaniPics) s’intéresse depuis longtemps à la non violence éducative. Elle ressent rapidement l’envie de photographier ces parents qui s’efforcent chaque jour d’être bienveillants malgré leurs cernes. Au lieu de cinq ou six familles, ce sont 50 familles qui se portent volontaires. S’ils sont si nombreux, c’est qu’il y a des choses à dire. En novembre 2017, l’association Nuits sans larmes, parents debout, voit le jour avec pour objectif un véritable projet d’exposition et de sensibilisation à la non violence éducative. Après une campagne Ulule qui récolte les 6 000 € nécessaires à la tournée et à la production de l’exposition, le projet est lancé. Son appareil photo sous le bras, Antoinette part sur les routes de France et de Belgique à la rencontre de 26 familles en tout genre et de leurs enfants attach(i)ants. Il s’agit de montrer le quotidien de parents qui tentent d’épouser jours et nuits, malgré les difficultés, un mode d’éducation dite bienveillante. Sans idéaliser ceux qui sont engagés dans ce chemin, sans juger ceux qui font différemment, le but est de mettre à l’honneur des mères et des pères qui essaient, se plantent et essaient encore.

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©toanipics. Photo soumise au droit d’auteur

L’exposition

Des 1200 clichés saisis par Antoinette ont été extraites 36 photos qui forment trois expositions distinctes, chacune proposant un ensemble de 12 photos. Chaque cliché est accompagné d’un texte rédigé par Raphaëlle Frémont, commissaire de l’exposition. Les tirages sont vendus sous forme de cartes postales et de reproductions en grand format(40×60). Toutes les ventes vont à l’association Nuits sans larmes pour financer d’autres projets artistiques. Le vernissage de cette exposition a eu lieu en novembre 2017 au colloque de l’ARIP, grand-messe internationale des professionnels de la périnatalité, où elle a été formidablement accueillie (j’en suis témoin). L’association porte l’espoir que la diminution de la violence éducative ordinaire peut, en quelques générations, apaiser et pacifier le corps social. Le collectif espère donc maintenant amener l’exposition partout ou sont les parents, dans les crèches, les PMI, les lieux d’accueil enfants-parents, les centres sociaux…, pour susciter discussions et débats autour de la parentalité. L’association, portée par 99% de femmes, veut également mettre en lumière l’impact des questions d’éducation sur les droits des femmes. En effet, les femmes sont encore trop souvent seules à porter la charge des nuits et la charge mentale de l’éducation ; elle sont aussi trop discriminées professionnellement et socialement lorsqu’elles s’investissent dans l’éducation de leurs enfants.

 

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Révélateur d’authenticité

Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas une adepte de l’éducation positive ou bienveillante ou consciente, on ne sait plus comment l’appeler. Je ne suis pas contre, évidemment, mais je m’en méfie, comme de toute Église. En tant qu’animatrice de groupes de paroles pour mamans au bout du rouleau, je vois tant de mères échouer à trop vouloir bien faire. Je les vois se flageller sans fin de ne pas parvenir à cet idéal de bienveillance qui a tout du mythe de Sisyphe.

Pourtant, ce projet m’a plu, j’en veux pour preuve les douze clichés qui attendent sur mon bureau d’être encadrés. Ce que j’aime, c’est voir dans ces parents des individus. Chacun à ses trucs, aucun n’a de recette, mais tous ont une éthique, c’est ce qui les rassemble. Peut-être que ça n’est que cela, au fond, cette éducation bienveillante, une éthique, à l’intérieure de laquelle il convient d’inventer. Sous l’objectif d’Antoinette, ils dévoilent cette sublime intimité, celle que chacun dissimule habituellement derrière les portes closes. Des parents, on ne voit que ce qu’ils veulent bien montrer. Antoinette est parvenue à gratter un peu le vernis. « Depuis que je suis petite, j’ai toujours été à part », raconte Antoinette. « J’ai passé des récrés entières seule, adossée contre un arbre dans la cour de l’école, à observer mes camarades. J’ai été habituée à me mettre en retrait et à regarder les autres. Ces photos sont donc le fruit d’une technique, bien sûr, l’éclairage, le cadrage, mais aussi d’une hypersensibilité visuelle et émotionnelle qui me caractérise depuis toujours. »

Avec hypersensibilité, donc, et aussi beaucoup de talent, la photographe parvient à faire jaillir une vérité, celle qui fait que chaque parent pourra se reconnaître dans au moins un de ces clichés. Sur ces photos il y a des rires nerveux, des francs sourires et des visages fermés, il y a des traits tirés, des doigts levés pour expliquer et des maisons mal rangées. Il y a la bienveillance, oui, sans doute, mais il y a surtout l’authenticité.

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©toanipics. Photo soumise au droit d’auteur

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Merci à Antoinette pour sa belle initiative, à laquelle je souhaite longue vie, et pour le temps qu’elle m’a consacré malgré sa fatigue de mère. Cette femme est définitivement une warrior.

4 commentaires

  1. Ce projet est très intéressant et le groupe fb m’intéresse … je pourrais tout à fait participer à son projet !!! ahlala je ris jaune…
    Je suis assez d’accord avec toi sur l’éducation bienveillante. Bien que je m’y retrouve, je me méfie des personnes qui la prône, j’ai l’impression que c’est la surenchère à qui fera le mieux, certains, sans le vouloir, peuvent te culpabiliser et quand tu cherches de l’aide ce n’est pas évident de faire le tri !

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  2. Merci pour cet article. Je connais ce projet que je suis et que j’apprécie particulièrement. Notamment pour sortir d’un certain « tabou » car c’est encore bien trop souvent « compliqué » d’afficher que l’on ne laisse pas pleurer son enfant!

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