[La daronne au ciné] Pupille, de Jeanne Herry : l’adoption, cette rencontre.

Servie par un casting impressionnant — Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Elodie Bouchez, Miou-Miou…, Jeanne Herry déroule dans Pupille le processus d’adoption d’un enfant né sous le secret, de son abandon par sa mère biologique à sa rencontre avec sa mère adoptive.

L’adoption : un parcours du combattant

Pour qui ne connaît pas le système d’adoption en France (c’était mon cas), le film documente son sujet avec précision et sans détour. On comprend vite que l’adoption, c’est long, c’est pénible et parfois, les couples n’y résistent pas. Bien sûr, c’est pour le bien de l’enfant, car le but c’est de « trouver les meilleurs parents possibles à des enfants en difficulté, et non pas un enfant à des parents qui souffrent ». Pour les parents, c’est le parcours d’une vie — parcours du combattant pourrait-on dire — dans lequel l’issue n’est pas garantie. Parfois c’est trop tôt, parfois c’est trop tard, parfois c’est le bon moment mais vous vous faites voler la vedette par le couple d’à côté. Si vous êtes une famille mono ou homoparentale, accrochez-vous, car les chances sont considérablement réduites. Malgré des travailleurs sociaux qui s’échinent à expliquer à des couples désespérés qu’il ne s’agit pas d’un jugement, les rendez-vous ont tout de l’entretien d’embauche. L’intérêt supérieur de l’enfant, s’il semble incontestable, occasionne une  violence institutionnelle qui crève l’écran.

En bout de course, il arrive quand même qu’un tout-petit bébé, rencontre (enfin !) sa nouvelle famille.

Dans Pupille, Théo est confié à l’adoption par sa mère biologique à la naissance. Pendant les deux mois incompressibles du délai de rétractation, il est remis aux bons soins de Jean, assistant familial (Gilles Lellouche). Pendant ce temps, le conseil de famille recherche le ou les meilleurs parents pour Théo — c’est la phase d’apparentement ou matching, étape particulièrement sensible car, comme l’indique l’Agence Française de l’adoption, « Il n’y a pas de méthode miracle pour effectuer le matching ; si le « hasard » ou la « providence » ont toujours leur part, l’intervention d’une équipe de professionnels, capable d’apprécier les besoins de l’enfant et le projet des adoptants, est primordial. Il s’agit d’identifier, parmi les candidats à l’adoption agréés, ceux qui pourraient le mieux subvenir aux besoins de l’enfant au vu des rapports relatifs à l’enfant et aux futurs parents adoptifs. » Trois dossiers sont présélectionnés à l’issue d’âpres négociations entre défenseurs de tels ou tels candidats, et c’est finalement le dossier d’Alice (Elodie Bouchez) qui est retenu.  Si elle l’accepte, Théo sera son fils.

La rencontre : une mission collective

Après toute cette oppressante phase de sélection, vient le temps de la rencontre (on a failli attendre !). Rencontre au paroxysme de l’émotion et non dénuée d’un certain trouble : cet enfant que j’ai attendu toute ma vie, pour lequel je me suis battue, qui m’a coûté mon couple, est-il vraiment le mien ? Pour toujours ? La compétition est-elle vraiment finie ? Est-ce vraiment le petit bébé dont j’ai rêvé et pas un grand gaillard de 15 ans ?

Avant de ramener Théo chez elle, pendant plusieurs semaines, Alice se rendra tous les jours chez Jean, où elle fera lentement connaissance avec Théo (qu’elle re-nommera Mathieu). Solidement épaulée et entourée par l’assistant familial et par Karine, l’éducatrice référente de Théo (Sandrine Kiberlain), Alice sera longuement accompagnée pour que, doucement, le lien se crée. Car ce bébé et cette maman là, ne se connaissent pas, n’est-ce pas ? Il faut du temps, du soin et beaucoup d’amour pour apprendre à se connaître.

J’ai alors rêvé d’un monde où tous les parents, biologiques ou non, seraient accompagnés avec la même qualité d’étayage. Cela existe, bien sûr. Certaines familles, certaines sages-femmes, certaines TISF, quelques unités mère-bébé aident avec brio les jeunes parents à rencontrer leur bébé. Néanmoins, dans la majorité des cas, on considère que le fait d’avoir porté et donné naissance à son bébé est suffisant pour créer le lien ; nul besoin d’ajouter du liant, de l’huile dans les rouages. Neuf mois de gestation, un accouchement et trois jours à la maternité suffisent a priori à mettre sur les rails une famille toute neuve.

Bien sûr, devenir parent d’un enfant adoptif, c’est ajouter à la complexité de sa propre histoire celle d’un enfant qui porte un vécu douloureux, marqué par l’abandon et/ou la violence. Bien sûr, la responsabilité de l’État est directement engagée dans la prise en charge d’un petit pupille — ce qui l’oblige à démultiplier les garde-fous. Bien sûr, on ne veut pas se tromper, on ne veut pas ajouter du traumatisme au traumatisme. Mais quelle chance pour ces parents, cette mère en l’occurrence, d’avoir près d’elle ces professionnels bienveillants, d’avoir le temps nécessaire à la rencontre, l’intervalle nécessaire à l’apprentissage, et quelle chance pour ce bébé !

Si j’ai trouvé le film assez froid d’un point de vue formel (à trop vouloir montrer les choses telles qu’elles sont, on ne les montre pas telles qu’elles se ressentent), j’ai néanmoins été vraiment touchée par cette façon d’aborder la maternité comme un apprentissage et l’ accueil d’un tout-petit comme une mission collective. Cela me conforte dans l’idée qu’il est indispensable d’entourer les parents et les bébés, qu’ils soient nés sous X ou sous une autre lettre de l’alphabet.

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