Profession : TISF / Soutenir, accompagner, rassurer

TISF, ça signifie technicien.ne de l’intervention sociale et familiale, et la froideur de l’acronyme est bien peu fidèle à la chaleur que ces professionnels — des femmes dans plus de 90% des cas, viennent distiller dans les familles.

Quelles sont les missions des TISF ?

Ces travailleuses sociales interviennent directement au domicile des familles en cas de difficulté passagère dans le cadre de la grossesse, de la naissance, de la maladie d’un enfant, de la maladie d’un parent, d’une séparation… Leur but est de soutenir les mères, les couples, les familles pour leur permettre de traverser plus sereinement une période de turbulences. L’arrivée d’un petit étant en elle-même une sacrée succession de trous d’air !

Le soutien apporté par les TISF est de trois ordres : matériel, social et parental. Le soutien matériel prend la forme d’une aide concrète au domicile. Elles peuvent effectuer certaines tâches ménagères ou s’occuper des enfants pour permettre à la maman de se reposer. A l’écoute des angoisses, des questionnements, des problématiques propres à chacune, elles rassurent, conseillent et orientent si nécessaire vers d’autres professionnels. Enfin, elles apportent un soutien à la parentalité sans jouer les mères de substitution. Formées à la puériculture, les TISF sont les seules travailleuses sociales habilitées à prendre soin des bébés. Elles peuvent donc accompagner les jeunes mères qui le souhaitent dans la réalisation de gestes techniques — le bain, le change, la préparation des repas ; mais l’idée n’est pas de faire « à la place de ». Une TISF n’est pas là pour jouer à la poupée, elle vient s’occuper d’une maman (plus rarement d’un papa) qui s’occupe de son bébé.

baby-2859657_960_720

« On fait en sorte que ces deux personnes — la maman et le bébé — puissent se rencontrer et se raconter. » Nacéra Bourahla, TISF

Nacéra Bouhrala, TISF à Marseille depuis 22 ans nous explique : « On fait en sorte que ces deux personnes — la maman et le bébé — puissent se rencontrer et se raconter. Notre rôle c’est de soutenir, accompagner, rassurer, dans le respect de l’histoire de chaque personne, sans jamais porter aucun jugement. Concrètement, on montre des gestes, puis on invite progressivement les parents à les faire seuls, on leur donne confiance. Je me souviens par exemple de ce papa de jumeaux légèrement prématurés qui disait « J’ai peur de les casser, de leur faire mal », je lui ai montré comment les porter, comment positionner ses mains. Il était tellement heureux d’y arriver ! On peut suggérer, proposer à la maman de regarder, de parler à son bébé, de lui chanter des chansons. Nous sommes dans la transmission mais nous nous appuyons toujours sur le savoir-faire des parents. Nous cherchons également à soulager la fatigue. Cela peut être faire tourner une machine, repasser du linge et le ranger, préparer un repas ; s’occuper des enfants pendant que la maman va à un rendez-vous. Dernièrement une maman m’a dit « Ça ne va plus avec mon mari, on n’arrive plus à trouver du temps. » Je lui ai dit : « C’est d’une sortie dont vous avez besoin ? On va faire en sorte que vous sortiez. » Alors j’ai gardé les trois enfants et ils sont allés déjeuner tous les deux. »

imagesLa tâche principale de la TISF est donc de chouchouter les mamans, dans l’idée qu’il faut prendre soin des mères pour qu’elles puissent elles-mêmes prendre soin de leurs bébés.

Qui peut faire appel à une TISF ?

Cette prestation relève de la CAF (Caisse d’allocations familiales) et tout le monde y a droit mais de nombreuses familles ne connaissent pas cette prestation ouvertes à tous. Je ne la connaissais pas non plus avant d’en avoir besoin. Personne ne m’en avait parlé à la maternité ou pendant mes cours de préparation à la naissance. Très souvent, ce sont les puéricultrices qui effectuent la demande directement à la maternité, pour des mères isolées ou en cas de maladie, de naissance gémellaire, de difficultés particulières exprimées. Mais toute femme devrait avoir l’information car parfois, les difficultés sont insoupçonnables à la maternité et interviennent au retour à domicile. On peut alors se sentir seule, démunie, dépassée, déprimée. Rappelons qu’en France 10 à 15% des jeunes mères sont touchées par une difficulté psychique majeure à la naissance de leur enfant. Une TISF peut alors apporter une aide ponctuelle mais précieuse.

Christine Faure, directrice de l’AMFD (l’Aide aux Mères et aux Familles à Domicile), détaille « Tout le monde, quelle que soit sa situation sociale, peut bénéficier d’une TISF dès la sortie de la maternité et jusqu’à la reprise du travail. Cette aide relève de la CAF et les familles contribuent financièrement en fonction de leur quotient familial – le reste à charge pouvant aller de 0,35€ à 12€ pour les familles les plus aisées. Le coût de cette prestation peut ensuite être déduit à 50% des impôts. Pour les familles en difficulté, des dérogations peuvent être obtenues avec l’aide d’une assistante sociale. De plus, les parents peuvent appeler directement l’association de TISF de leur choix, ils n’ont pas besoin de passer par la CAF ou par un professionnel. »

Le plus souvent, la prise en charge est ponctuelle et s’arrête à la reprise du travail de la mère. Il peut néanmoins y avoir des renouvellements dans le cadre de maladies ou de problématiques particulières.

Dans les Bouches-du-Rhône, 5 associations conventionnées proposent les services de TISF dont l’AMFD et l’AAFP. Le conseil département permet aussi à certaines familles de bénéficier de 20h d’intervention gratuites ; il faut alors être orienté par un professionnel. C’est ce dont j’ai moi-même bénéficié suite à ma prise en charge en unité mère-bébé. Dans certaines villes, certaines associations ont pu mettre en place des partenariats avec la CAF pour aller jusqu’à 100 heures de prise en charge gratuite en sortie de maternité, c’est le cas à Lyon, Nantes, Bordeaux, Rouen ou Avignon.

Méfiance ?

Dans certains cas, les TISF sont mandatées auprès des familles par l’ASE (Aide sociale à l’enfance), ce qui crée une certaine méfiance voire défiance de la part des familles. Si j’ai besoin d’une TISF, vais-je être étiquetée comme une mauvaise mère et signalée aux services sociaux ? Il faut donc préciser qu’une famille est toujours informée lorsque l’intervention d’une TISF se fait dans le cadre de la protection de l’enfance. Lors d’interventions classiques, les TISF sont soumises au secret professionnel et n’orientent vers d’autres structures qu’avec l’accord des familles. Les TISF sont donc surtout des acteurs de prévention qui cherchent à éviter que les liens mère-enfant se délitent et que la dynamique familiale parte en cacahouète.

Soutien et transmission

« L’arrivée de l’enfant est un moment de grande fragilité pour la famille et particulièrement pour la mère. Cette fragilité doit être accompagnée. Il peut y avoir beaucoup de fatigue, mais aussi un bouleversement physique, psychique. S’il n y a pas rapidement une aide, on peut s’embarquer dans une spirale. La maman est de plus en plus fatiguée, en difficulté, le bébé le perçoit. Une situation peut rapidement s’enkyster. La fragilité des mères est universelle. La question universelle c’est donc comment on prend soin des femmes qui viennent d’accoucher. », rappelle Christine Faure.

NAMA_Accouchement_1Dans une société où les rites et le soutien autour de la naissance ont disparu, les TISF offrent un relais professionnel à des parents isolés. « Dans une certaine mesure, le TISF compense, prolonge ou recompose le système de solidarités familiales quand celui-ci se délite » analyse Francis Puech, président de la commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant. Pour Nacéra Bourahla, c’est avant tout une histoire d’échange et de transmission. « Je leur offre un espace et un temps pour la relation, pour la rencontre. On ne naît pas parent, on le devient, alors ensemble, on va apprendre, c’est cela que je leur dis. »

Un commentaire

Laisser un commentaire