Dans son nouveau film, le réalisateur de Juno aborde avec tendresse et quelques maladresses des pans encore tabous de la maternité.
C’est mue par la promesse d’une salle de ciné climatisée face à l’insoutenable chaleur de ce mois de juillet que j’ai poussé la porte du César, charmant cinéma indé de la place Castellane, pour la séance de 13h15. Comme vous le savez, le thème de la difficulté maternelle me touche de près, et j’essaie de voir et de lire tout ce qui se fait sur ce sujet. Tully me tendait donc les bras.
Marlo (Charlize Theron), quadra un peu frustrée de la banlieue new-yorkaise, attend son troisième enfant. Au retour de la maternité, les journées rythmées par les tétées et les couches, les allers-retours à l’école et les dîners à préparer deviennent harassantes. Avec un mari (Ron Livingston) absent et trois enfants à gérer, elle est vite dépassée. Sur les conseils de son frère (Mark Duplass), elle contacte Tully (Mackenzie Davis), nounou de nuit. A 22h30, tous les soirs c’est la libération, la super nanny vient prendre le relais auprès du bébé, et d’une Marlo épuisée. Après quelques semaines en compagnie de Tully, l’entourage est rassuré, Marlo va mieux, elle se repose, elle reprend des couleurs. Le plus dur est passé. Vraiment ?
Maman pleure, papa (joue à la) console
En sortant de la salle, où j’ai à la fois ri et pleuré, ce qui est souvent un gage de qualité, je n’étais quand même pas totalement convaincue. Quelque chose clochait. En fait j’étais un peu énervée.
Dans ce film, on voit une mère qui tombe très bas. Mais on voit surtout une mère désespérément seule. Seule avec sa fatigue, seule avec son désespoir, seule avec son deuxième enfant dit « singulier » et seule, finalement, pour trouver sa solution. On blâme souvent les femmes de ne pas demander d’aide, et il y a sans doute un travail à faire là-dessus : oser. Mais l’entourage préfère bien souvent planter bien profond la tête dans le sable et minimiser. Et j’ai envie de dire pleins de gros mots parce que pour voir il faut regarder. Porter les yeux sur la femme là, de l’autre côté du lit. La pas coiffée, la pas rasée, la pas maquillée. Celle qu’on porte aux nues dans les discours, ceux du genre : « Merci à ma femme qui m’a donné le plus grand bonheur qui soit, mes enfants. » et qu’on néglige quand il faudrait aider.
J’ai haï ce mari adulescent de ne pas se bouger un tantinet le fessier. J’ai été affligée de voir la pauvre Marlo prendre sur elle leur absence de vie sexuelle. Elle ne se maquille plus, n’a pas perdu ses kilos de grossesse, ne sait plus se rendre désirable c’est de sa faute. Et lui, le pauvre, il aurait tant besoin qu’on « recharge ses batteries » [sic]. Lui, pendant ce temps, personne ne vient lui faire remarquer que sa Playstation 4 a le sex-appeal d’une moule crue. Personne ne vient lui dire : « Oh, réveille-toi, c’est le moment d’aider là ! ». Lui, il fait sa part, il travaille beaucoup, et la nuit il dort, mais il faut le comprendre, c’est fatiguant le travail. Ce qui me gêne, c’est que je n’ai toujours pas compris s’il fallait prendre cette partie du film au second degré ou si on était vraiment en train de nous dire : « Secoue-toi ma grosse, fais péter le mascara et enfourche ton mari frustré pour une partie de rodéo. » Si vous avez vu le film, dites-moi ce que vous en pensez…
Rire et larmes, solitude et amitié : un film, des paradoxes
Finalement, et au delà de ce résidu de colère, j’ai bien aimé. Dans la première moitié du film, on assiste à quelques pétages de câbles jouissifs, notamment face à une directrice d’école insupportable : « Nous adorons votre famille, mais votre enfant est « singulier », il serait sans doute mieux dans une autre école. » « Singulier ? Mais qu’est ce que vous avez tous avec ça ? Ça veut dire quoi singulier ? C’est un enfant, pas un putain d’adjectif ! » Les dialogues sont délicieusement mordants et ne sont pas sans rappeler une nouvelle fois Juno. Normal, le dialoguiste, Diablo Cody, est le même.
La deuxième partie est plus lourde et un peu caricaturale, avec des personnages tous un peu agaçants, mais on assiste quand même à une belle histoire d’amitié. Une des dernières scènes du film est bouleversante de tendresse et m’a tiré d’énormes larmes qui m’ont obligée à attendre la fin du générique. Rien que pour ça, ça valait le coup.